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Voyage d’affaires : l’« alacrité » néocoloniale de Hollande en Algérie (Npa)

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La visite éclair de Hollande à Alger lundi15 juin a été pour beaucoup d’entre nous l’occasion de mesurer l’humour cynique de Hollande...

Celui-ci a commenté ses deux heures de réunion à huis-clos avec Bouteflika, cloué sur sa chaise roulante et incapable de s’exprimer en ces termes : « Il m’a donné l’impression d’une maîtrise intellectuelle, d’une capacité de jugement et même c’est rare de rencontrer un chef d’État qui a cette alacrité, cette capacité de jugement »... Caractériser l’état de Bouteflika d’« état de vigueur et de vitalité, souvent mêlé de bonne humeur et d’entrain » relève d’un grand mépris, une fois de plus affirmé, du dirigeant de l’ancienne puissance coloniale.

Celui-ci est venu en fait pour discuter avec les réels dirigeants de l’Algérie, jamais élus, des intérêts géostratégiques et économiques de la France dans la région, en confortant au passage le pouvoir politique algérien qui collabore à ses projets. C’est comme cela que l’ont ressenti de nombreux AlgérienEs, mais visiblement très peu de médias français !

Un néocolonialisme politique…


En effet, Hollande a fait de cette visite un soutien politique au président moribond, marionnette entre les mains des réels dirigeants que le président français a aussi rencontrés : le général Toufik, chef du département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui a choisi Bouteflika en 1999, et Ouyahia, le directeur du cabinet de la présidence.

Car Bouteflika termine sa carrière comme il l’avait commencée en 1965 lors du coup d’État contre Ben Bella, en marionnette politique des dirigeants de l’armée algérienne. Et avec l’imprimatur de l’ancienne puissance coloniale en prime ! Alors que ce pouvoir politique est rejeté de la population, réélu en 2014 avec près de 50 % d’abstention déclarée (74 % de participation en 2009), il manie la répression contre les syndicalistes un tant soit peu indépendants et contre les mouvements sociaux, comme les chômeurs de Ouargla ou la population d’In Salah en lutte contre l’expérimentation de l’exploitation des gaz de schistes. Il impose une grande braderie de tout ce qui est commercialisable dans les ressources de l’économie algérienne.

Un soutien bien évidemment intéressé pour les intérêts néo­colonialistes des représentants du capitalisme français. D’un point de vue géostratégique d’abord, car l’impérialisme français cherche à se faire reconnaître comme une puissance incontournable en prouvant ses capacités à ramener l’ordre en Afrique de l’Ouest. Or, depuis la chute de Khadafi, l’Algérie reste la seule puissance militaire régionale capable de peser dans une situation qui, de la Libye au Tchad ne cesse de s’enfoncer dans le chaos. Au Mali, c’est l’Algérie qui a pesé dans l’aboutissement des négociations diplomatiques qui permettront peut-être à l’armée française d’alléger son dispositif en aboutissant à des accords entre l’État malien et les rebelles. Cela vaut bien quelques concessions politiques de l’État français pour conforter le pouvoir algérien.

… qui appuie les intérêts économiques de la bourgeoisie française


D’autant que l’Algérie, bien que confrontée à des difficultés inquiétantes (chute des cours des hydrocarbures de 43 % lors des 4 premiers mois de 2015 qui font basculer une balance commerciale de l’excédent au déficit…) reste un pays qui connaît une croissance économique supérieure à celle de la zone euro. Cela en fait donc une cible pour les capitalistes. Alors que les entreprises françaises restent le premier partenaire économique de l’économie algérienne, depuis 2013 ,ce sont les entreprises chinoises qui leur ont raflé la position de 1er fournisseur, et depuis 2013, une entreprise algérienne, Cevital, a même réussi une politique d’implantation en France en rachetant des entreprises comme Oxxo (fenêtres en PVC) ou FagorBrandt (leader de l’électroménager).

La visite de Hollande avait donc des objectifs économiques de VRP des grands groupes déjà présents comme Alstom, Sanofi, la RATP ou Renault, mais aussi de promouvoir des possibilités de nouvelles implantations pour Peugeot (dont le dimensionnement ne correspond pas aux attentes du pouvoir algérien) ou Total dans l’exploitation des gaz de schiste, cela  malgré les dénégations officielles de l’État français. Hollande se veut aussi, en Algérie comme ici, le défenseur des PME françaises, cela sans parler des éventuels contrats d’armement militaire qu’il place méthodiquement de l’Inde au Qatar en passant par l’Arabie saoudite.
Tout cela vaut bien une petite déclaration hypocrite, en se disant que le ridicule ne tue pas. Mais c’est peut-être sans compter sur la mémoire des « sans-dents » qu’Hollande méprise tant, qu’ils soient en France ou en Algérie.

Cathy Billard

 

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